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Interview pour Animatopie

"Vous lisez Animatopie, la lettre d'information hebdomadaire sur la place des animaux dans nos sociétés. Chaque vendredi, recevez un regard animaliste sur l’actualité.*

Nous évoquions la semaine dernière la répression des animalistes, à travers notamment pour la cellule de gendarmerie Demeter la suspension de la lutte contre les organisations qui vont à l'encontre de l'élevage. Dans le cadre de ses activités, cette cellule avait participé à l'arrestation d'activistes du collectif Animal1st. Le procès s'est tenu le 28 janvier, au cours duquel l'inculpé Vincent Aubry a porté un message antispéciste."

Les faits reprochés s'étalent sur plusieurs mois et plusieurs départements. Quel rôle a joué la cellule Demeter dans votre inculpation ?

Vincent Aubry : C'est moins explicite que ce que l'on pourrait penser. Il n'y a aucun document dans les milliers de pages de notre dossier pénal qui soit estampillé "cellule Demeter". On le savait, la création de cette cellule n'a pas entraîné d'effectifs supplémentaires ni de budget spécifique. Ce qui ressort clairement en revanche, c'est une vraie coordination au niveau nationale et la mise en place d'un service spécifique consacré à ce qu'ils ont appelé le "phénomène antispéciste", et la volonté de regrouper le maximum de données et d'informations sur nous, de comprendre comment les activistes fonctionnent, s'organisent, et quels sont nos liens.

Vos actions ont été requalifiées en association de malfaiteurs. Étiez-vous préparés à de tels chefs d'accusation ?

Oui et non. Cela avait été clairement annoncé, à l'époque par l'ancienne Garde des Sceaux Nicole Belloubet, qui avait demandé à tous·tes les procureur·es de France de ressortir les affaires animalistes, en y ajoutant ce chef d'inculpation si nécessaire, pour mettre un sérieux coup d'arrêt à l'activisme antispéciste. Mais honnêtement, on ne s'y attendait pas pour une série de tags (le sauvetage des agneaux a été ajouté plus tard), il y a un tel décalage. L'offensivité des messages et le choix des cibles (des représentants FNSEA) a joué un gros rôle dans le traitement de cette affaire.

Qu'est-ce-que cela dit de notre système judiciaire ?

Qu'au même titre que le ministère de l'agriculture, le ministère de l'intérieur est à la botte des lobbies de l'agroalimentaire. Ça peut paraître très cliché "activiste complotiste" de dire ça, mais honnêtement, la convention de collaboration signée entre ce dernier ministère et les FNSEA/JA (deux principaux syndicats agricoles), est si surréaliste que cette conclusion est parfaitement légitime. Surtout maintenant que le discours s'est transformé en acte depuis le 28 janvier au tribunal du Mans (à voir si cela est confirmé par le délibéré du 31 mars).

Lors de l'organisation d'une action de libération animale ou contre des élevages, envisagez-vous la possibilité de poursuites et de procès ?

Quand on commence à désobéir, on sait que c'est toujours une issue possible oui.

À quel besoin répond votre activisme ?

À une soif de justice. À un sentiment de révolte face à l'immobilisme des pouvoirs publics (et aussi du mouvement antispéciste français), au nombre de victimes qui ne fait qu'augmenter, à un mépris du grand public et des médias insupportable sur ces questions.

"Sauver" ou "voler" un animal. On le voit, le vocabulaire reflète une idéologie. Quel discours tenez-vous face à un tribunal ?


Un discours politique. Chaque procès est l'occasion de rappeler que les autres animaux sont des individus uniques, sensibles, et pas du matériel qu'on peut posséder et supplicier à sa guise, juste parce que la loi l'autorise. Et que leur rendre les droits fondamentaux qu'on leur a volé initialement ne relève justement pas du vol, c'est de l'assistance à personne en sursis d'égorgement. La loi est aujourd'hui totalement hypocrite et incohérente sur tous ces points. L'animal est reconnu comme être sensible depuis 2015, et pourtant on peut toujours leur faire subir les pires atrocités... Tous les mauvais traitements, pourtant inhérents aux activités d'élevage, sont condamnées par la loi ''sans nécessité". Les produits issus ou volés aux animaux de l'Élevage ne font plus aujourd'hui l'objet d'aucune situation de nécessité. De facto, l'Élevage est donc déjà illégal au regard de nos lois.

Comment décririez-vous le traitement de votre procès dans les médias ? Et par le grand public ?

La plupart des médias en ont fait une bataille "activistes VS FNSEA", de par la présence de Christiane Lambert ce jour-là. Ce qui n'est pas plus mal, car la FNSEA devrait en effet être une cible majeure du mouvement. Beaucoup ont déploré la non reconnaissance de certains faits. Mais la plupart ont été revendiqués, et notamment le sauvetage des 7 agneaux, celui qui permet l'accusation d'association de malfaiteurs. Nous avons simplement refusé de finir l'enquête du procureur pour ne pas permettre de sanctionner précisément les activistes impliqué·es. J'estime que les procédures sur cette affaire ont été si poussées et intrusives que ce n'est pas à nous de leur fournir les derniers détails... Notre propos sur la cellule Demeter, la volonté politique de criminalisation des animalistes à dénoncer, et le côté disproportionné de ce dossier ont été plutôt bien repris. Le manque d'information sur les zoonoses en revanche ne permet pas au grand public de nous considérer encore comme des lanceurs et lanceuses d'alerte (la plupart des tags faisaient le lien entre Élevage et zoonoses).

Comment rendre politique les procès d'activistes antispécistes ?

Laisser la défense technique aux avocat·es, et tenter, nous, au maximum, de redistribuer les rôles qui sont toujours inversés : les victimes ce sont les animaux qui subissent bien plus que des dégradations légères, et dans leur chair; les victimes ne peuvent pas être ceux qui tuent les victimes; et s'il y a des victimes c'est qu'il y a des coupables. Les coupables qui devraient être jugés sont donc les éleveurs. Ils ont du sang sur les mains, pas nous. Nous n'avons tué personne, et nous n'avons rien à gagner à faire ce que nous faisons. Au contraire, nous avons tout à perdre, et avons déjà beaucoup perdu. Les juges ont une responsabilité dans ces procès. Ils doivent comprendre qu'ils ont le pouvoir de créer de la jurisprudence qui irait dans le sens de l'Histoire, dans le bon sens de l'évolution d'une société, celle vers une justice plus égalitariste et universaliste.

Beaucoup de personnes condamnent les actions de désobéissance civile illégales, y compris au sein du mouvement antispéciste. Quel rapport entretenez-vous avec l'illégalité ?

L'illégalité, dans un système qui légalise le meurtre, le viol, et la torture d'êtres rendus vulnérables et à notre merci, est non seulement nécessaire mais légitime. Le constat d'échec de la voie réformiste pour le droit des animaux est terrible et sans appel. Malgré une opinion publique favorable à l'abolition de la corrida ou de la chasse à courre par exemple, on voit bien que c'est l'État qui bloque. Et l'État n'agira pas sans y être forcé. Le rapport de force doit être beaucoup plus assumé, dans les actes, et à la hauteur de ce que subissent les victimes. Le sang coule à flot, la situation est apocalyptique à tous les niveaux. Et personne ne le réalisera si on en reste aux pétitions... Les animalistes qui participent à nous marginaliser doivent se rendre compte qu'iels favorisent notre criminalisation, et précipitent la chute de la seule branche qui prend les risques pour mettre des coups de pieds dans la fourmilière du statu quo spéciste. Les images d'L214 sont aussi obtenues illégalement, et pourtant personne ne les condamne. Donc ce n'est pas l'illégalité qui pose problème, c'est la radicalité. Et je ne vois pas comment on pourrait atteindre un objectif en ayant déjà peur de le nommer. *https://www.animatopie.com/

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